Monday, April 03, 2006

 

Texte du projet

RÉSIDENCE ARTISTIQUE DE
LA COMPAGNIE DU P'TIT MATIN
À L'ESPACE 1789 DE SAINT-OUEN

PROJET D'INTERVENTION ARTISTIQUE EN MILIEU SCOLAIRE:
ATELIER DE CRÉATION D'UNE MUSIQUE D'ACCOMPAGNEMENT SUR FILM MUET.
(Intervenant: Juan Saubidet, musicien de la Compagnie)

Pour en avoir fait plusieurs fois l'expérience, je suis convaincu qu'accompagner musicalement un film muet est une aventure unique et extrêmement enrichissante.
En effet, c'est la rencontre particulière entre deux formes d'art à part entière, la musique et le cinéma, qui ont ceci de commun d'exister et de développer leur dramaturgie dans le temps. Il se noue à cette occasion un dialogue entre le son et l'image, dans lequel l'imaginaire du musicien est stimulé de façon nouvelle. En cherchant les moyens expressifs d'accompagner ce qui se déroule à l'écran, le musicien est tout naturellement conduit à faire appel à des ressources sonores nouvelles, auxquelles il n'aurait pas eu accès autrement.

De la même façon, le court-métrage va aider l'enfant à s'exprimer en le guidant à la manière d'une partition sur grand écran. L'action qui se déroule à l'écran inspire à l'enfant des gestes musicaux qui sont autant de mises en situation du rapport de l'image au son, dans une perspective inédite jusque-là.

La contrebasse de J. Saubidet sera présente comme personnage à part entière de cette création, apportant les multiples couleurs de sa palette sonore: rythmes, graves, percussions, mélodies chantées à l'archet, effets sonores,... et sa taille physique impressionnante. De cette manière les enfants auront une première expérience de jouer avec un "vrai" instrument, ce qui diminuera encore plus la distance entre eux et le monde de la création adulte, dans lequel ils seront ainsi entrés sans s'en être rendu compte, le plus naturellement du monde.
Ce monde de la création leur appartient de plein droit, comme à chacun d'entre nous, c'est seulement l'appréhension de "mal faire" qui nous en tient éloigné. Quel dommage, alors que tant d'expériences enrichissantes sont là, à notre portée!



> DÉROULEMENT DE L'ATELIER.

> 1ère étape (7 séances)
Les enfants sont invités à explorer en groupe les sonorités de divers petits instruments de percussion, d'objets quotidiens (papier, boîtes en plastique, bouchons de stylo, etc.) ou tout simplement de leur corps. À travers des jeux d'improvisation, un premier travail sur le rythme peut s'ébaucher, avec des onomatopées et ces objets.
Nous construisons ensemble quelques instruments simples qui illustrent les mécanismes de production de la vibration qui sont à l'oeuvre dans les "vrais" instruments de musique: colonne d'air, corde vibrante, résonateurs, etc.
L'intervenant enregistre ces essais, de manière à pouvoir s'en servir ultérieurement comme matériau de travail.

> 2ème étape (3 séances)
Commence le travail musical proprement dit: l'intervenant montre comment, à partir d'un élément musical de base, l'enfant peut développer sa créativité en appliquant des techniques de transformation du matériau. Ces techniques s'inspirent de celles qui sont employées par les "vrais" compositeurs dans leur travail.
Changements du rythme, des hauteurs, des timbres, des nuances, création d'accompagnements, confection d'instruments spéciaux, mise en scène ou en espace, etc.

> 3ème étape (6 séances)
Nous visionnons le film, pour isoler les séquences qui feront l'objet d'une mise en musique par le groupe.
Les enfants et l'intervenant élaborent ensemble les éléments d'une partition. Différentes plages musicales sont conçues où chaque participant joue un rôle de compositeur/instrumentiste. Le groupe explore notamment comment exprimer une émotion précise à travers les sons et leur agencement. Différents climats sont ainsi recherchés, qui seront exploités pour la sonorisation du film.

> 4ème étape (4 séances)
Finalisation de la partition (les différentes plages sont articulées entre elles) et répétition avec le film. Préparation aux contraintes propres à la représentation (attitude scénique, respect des conventions musicales nécessaires pour le jeu de groupe, saluer, etc.)

> 5ème étape
Présentation du travail lors du festival "Cinéma Muet & Instruments Parlants" à l'Espace 1789 de Saint-Ouen (juin 2006).


Le travail s'échelonnera de janvier à juin 2006,
avec une classe de niveau CE2-CM1.






> LE SENS D'UN ATELIER ARTISTIQUE.

Au départ, l'artiste est quelqu'un qui commence par faire son "truc" pour son plaisir personnel, pour s'occuper, pour tenir ses démons à distance, pour rencontrer des gens ou pour s'isoler, les motivations sont nombreuses. Pourtant, de manière insidieuse, une autre question se profile de loin en loin, toujours plus présente: comment s'y prendre pour exprimer la vision que perçoit sa sensibilité propre, et qui n'arrête pas de chercher à parler dans tout ce qu'il fait - mais à qui il manque le langage construit par laquelle se manifester aux autres et au monde?
Le musicien - c'est celui que je connais le mieux - tous les jours, il va se poser la question, "comment faire en sorte que ce que je joue soit beau?" Et c'est quoi, beau? Il faut déjà que je sache un peu répondre à ça; alors je cherche, j'écoute, je trie, je teste, je m'ouvre à la nouveauté, je me mets en éveil de mes sensations, de mon émotion, de ce qui résonne en moi en présence d'un objet musical (ou même sonore).
Au bout d'un moment que l'artiste fait cela, je pense qu'il développe une faculté particulière qu'on pourrait nommer (sans prétention, il va de soi) "sentir et penser par soi-même". En gros, "par soi-même" veut dire par opposition à tout le bourrage de crâne qu'il a subi antérieurement (et qu'il subit encore, merci les mass-média et la pub!), qui a instillé en son esprit tout un fatras de préconceptions le plus souvent inutiles, et parfois nocives.
Alors, ce travail de recherche de la beauté va ressembler à un long et lent réveil, où peu à peu le dormeur reprend possession de son corps après l'absence de la nuit.

Peut-on imaginer que celui qui a déjà fait un bout de ce parcours, ait envie de faire bénéficier d'autres personnes de son expérience? Que ce soit seulement possible de transmettre ce genre de chose?
Je pense que oui. Et je pense que l'enfant, particulièrement mais pas seulement, sait se servir de ces aperçus du merveilleux que l'artiste (mais pas seulement) peut lui donner à voir, pour nourrir cet être qui aspire à "sentir et penser par soi-même".


Juan Saubidet, octobre 2005.

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